(001), c'était une fille sympa avant, Simone. Un joli brin de fille et un petit rayon de soleil. Farouche juste ce qu'il fallait et espiègle. C'était une fille brillante mais affreusement bordélique. Elle l'est toujours, d'ailleurs. Elle avait toujours un sourire aux lèvres alors que maintenant, ça fait longtemps qu'on a pas entendu tinter son rire rocailleux. Tout ça, ça l'a changée. Ca l'a rendue plus fade, plus effacée, plus ombrageuse. (002), Simone est une poule-mouillée. Elle ne s’en était jamais trop rendue compte avant et, en même temps n’avait jamais eu non plus à s’en soucier dans un monde où ses seules préoccupations étaient de savoir comment payer son loyer et si elle finirait par trouver l’homme de sa vie. Mais voilà, elle n’est pas une héroïne, n’en sera jamais une, et ça la tourmente pas mal. Elle se demande souvent ce qu'elle fout là, pourquoi elle est encore en vie quand tant d'autres sont tombés, elle ne voit pas trop quelle contribution elle pourrait apporter à l'humanité désormais. (003), elle se rêvait audacieuse, conquérante, juste et magnanime mais ces temps de débâcle lui ont fait découvrir une autre facette d'elle-même qui la répugne : lâche, égoïste, meurtrière, en fin de compte, juste prête à tout pour vivre. Mais quand elle pense à tout ce que cette putain d'épidémie l'a obligée à faire, elle est dans le déni, comme si ce n'était pas vraiment elle qui avait fait tout ça, comme si ce n'était pas la réalité, comme si elle pourrait plus tard tout oublier et faire comme si rien de tout ça n'avait jamais existé. (004), bien qu’elle ait grandi à Détroit où son père, avant que la ville ne soit la cible des obus de l’armée, tenait un prestigieux cabinet juridique, Simone a également passé beaucoup de temps à la campagne environnant Toronto, au Canada. Après le divorce de ses parents, en effet, Simone aimait les week-ends et les vacances passées loin de l’air saturé de la ville, près de sa mère et des chevaux racés de son élevage. Etre au contact de ces bêtes nobles et majestueuses la rassurait inexplicablement, lui donnait un sentiment de sécurité qui n’a, depuis, jamais été égalé et dont elle peine à se souvenir aujourd’hui. (005), elle ne doit sa survie ces trois dernières années qu'à Boris, son meilleur ami. D'abord son binôme à l'hôpital, puis son partenaire de voyage, son sauveur. Celui qui prenait les décisions, mûres de réflexion ou prises dans l'urgence, il était bon pour la survie, tellement meilleur qu'elle. Depuis qu'il n'est plus là, elle est complètement paumée. (006), elle n'a jamais été un loup solitaire et ne peut pas rester seule bien longtemps. C'était déjà vrai avant, mais c'est crucial maintenant. Simone a besoin de soutien, elle a besoin d'amour à recevoir et à donner. (007), pour autant, la vie en camp est un supplice pour elle. Ils ont essayé, une fois, avec Boris de s'intégrer au milieu d'une poignée d'autres survivants. Le camp OMEGA. Le carcan de règles draconiennes et dépourvues d'humanité qu'on lui a imposé l'a rendue folle. C'était pas pour elle. Dans ce nouveau monde hostile qui était désormais le leur, il fallait réapprendre à vivre et Simone, alors, voulait le faire à sa manière. Ca s'est tellement mal passé pour elle que l'idée de partager à nouveau son quotidien en communauté lui donne la boule au ventre. (008), son meilleur atout dans ce jeu pour la vie, ce sont sans aucun doute ses connaissances pointues en médecine et en sciences de la vie. A part ça, Simone n'a absolument rien d'un baroudeur chevronné. Dingue de voir comme elle pouvait être habile, presque excitée, avant, pour tâter de la chair au bistouri et comme désormais empoigner le moindre couteau pour manger ou se défendre l'horrifie. Elle se serait bien laissée crever à petit feu pour s'éviter toute cette peine, mais elle n'était pas assez courageuse pour ça. La vérité, c'est qu'elle se cramponne à la vie. (009), bien qu’elle n’ait jamais été trop méthodique (du moins, pas assez), Simone essaye de garder le contrôle sur les jours qui passent, depuis le blackout et comme certainement beaucoup d’autres survivants, elle a appris à vivre au rythme du soleil et, à chaque nouvelle aube, à son réveil, elle coche d’une entaille au couteau une grande poutre de la ferme où elle a trouvé refuge. Certains rares jours d’espoir, ça lui donne l’impression qu’elle sera moins jetlaguée lorsque les choses redeviendront normales. (010), elle ne dit jamais qu'elle était médecin avant, elle a bien trop peur qu'on lui demande de l'aide et Simone ne veut surtout pas se foutre dans le pétrin. Elle voudrait juste qu'on la laisse survivre dans son coin.